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samedi 23 mai 2009

Eclaircissement sur l'article précedent...

Décryptage : Sarkozy et son oeuvre de contrôle du net

"Le président de la République actuel a un plan". C'est la première phrase du livre de François Bayrou, Abus de Pouvoir, et l'on peut la vérifier au moins en ce qui concerne le contrôle du net. Depuis la loi DADVSI où il était président de l'UMP et ministre de l'intérieur, Nicolas Sarkozy a déployé son plan pour contrôler le net. Il a commencé à l'appliquer avant-même la loi Hadopi, et prévoit de le parachever avec la Loppsi. Dans cet article exceptionnellement long, Numerama tente un décryptage du net selon Sarkozy.

Petit à petit, les pièces du puzzle s'assemblent et l'image se révèle sous nos yeux. Le projet de loi Création et Internet n'a pas encore été promulgué que déjà le morceau suivant s'apprête à faire son apparition. Projet de loi après projet de loi, décret après décret, nomination après nomination, Nicolas Sarkozy prépare méthodiquement les moyens pour le gouvernement de contrôler Internet... et les internautes.

Lundi, Le Monde a publié un excellent article sur la prochaine loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (Loppsi, ou Lopsi 2), qui montre ce que prévoit le nouveau texte commandé par Nicolas Sarkozy : installation de mouchards électroniques sans vérification de leur légalité par les services de l'Etat, légalisation des chevaux de Troie comme mode d'écoute à distance, création d'un super-fichier "Périclès" regroupant de nombreuses données personnelles (numéros de carte grise, permis de conduire, numéros IMEI des téléphones mobiles, factures...), création d'un délit d'usurpation d'identité, pouvoir de géolocaliser les internautes, ...

Sans cesse repoussée, la loi est attendue de pieds fermes par Nicolas Sarkozy. C'est d'ailleurs en partie elle qui a justifié l'obsession du Président à maintenir contre vents et marée la loi Hadopi. Car "le président de la République actuel a un plan". Pour le comprendre, il nous faut accumuler les pièces à conviction. Certaines relèvent très certainement de la paranoïa, d'autres sont véritablement réfléchies par le Président.

Mises bout à bout, elles laissent peu de doute sur la volonté de Nicolas Sarkozy de contrôler le net, aussi bien dans son contenu que dans son infrastructure.

Au commencement, Nicolas Sarkozy voulu devenir Président

Très tôt dans sa carrière politique, Nicolas Sarkozy n'a eu qu'une obsession : devenir président de la République. Et une vision : pour y parvenir, il fallait contrôler les médias. Maire de Neuilly-Sur-Seine, il s'efforce de faire entrer rapidement dans son cercle d'amis proches les Martin Bouygues, Lagardère (père et fils) et autres Dassault qui le conduiront par leur amitié complice au sommet du pouvoir. C'est d'autant plus facile que ces capitaines d'industrie, propriétaires de médias, dépendent pour l'essentiel de leurs revenus des commandes de l'Etat. Entre amis, on sait se rendre des services...

Toute cette énergie de réseautage a été mise au service de son ambition présidentielle. En 2007, c'était la bonne. Première tentative, première victoire. Mais Nicolas Sarkozy a eu chaud. Il avait négligé Internet. A quelques points près, François Bayrou - qui a au contraire beaucoup misé sur Internet pendant la campagne - passait devant Ségolène Royal au premier tour de la Présidentielle, et c'est le leader du MoDem qui se serait retrouvé à l'Elysée.

Il serait faux toutefois de prétendre que Nicolas Sarkozy, qui s'était assuré le soutien du bloggeur Loïc Le Meur (à l'époque le plus influent), s'est aperçu trop tard du pouvoir du net. Fraîchement élu, le président Sarkozy n'avait pas tardé à demander "l'avènement d'un internet civilisé", prônant une "campagne de civilisation des nouveaux réseaux". Le coup de Trafalgar du refus de la Constitution européenne par les Français avait montré pour la première fois au monde politique les limites des médias traditionnels face à Internet, où l'opposition au texte européen fut virulente. Les amis de Nicolas Sarkozy dans les grands médias et l'industrie culturelle l'ont très vite convaincu qu'il fallait faire quelque chose. Lui pour conserver le pouvoir, eux pour limiter cette concurrence gênante. C'est Renaud Donnedieu de Vabres (RDDV) qui s'est chargé des basses oeuvres, sous l'oeil attentif de son président de l'UMP et ministre de l'intérieur de l'époque, Nicolas Sarkozy.

DADVSI et HADOPI : les premières pierres vers le filtrage

Derrière les apparences d'une première loi contre le piratage sur Internet, comme l'avait prédit le journaliste américain Dan Gillmor, c'est une alliance à trois qui s'est formée entre le pouvoir politique, le pouvoir médiatique et l'industrie culturelle. A peine la riposte graduée (déjà) adoptée, RDDV avait prévenu que la loi DADVSI "n'est que le premier d'une longue série d'adaptations de notre droit à l'ère numérique", et qu'il comptait bien s'attaquer "un jour au problème de la presse et de l'Internet". C'était en 2006.

Affaibli par la débâcle de DADVSI, le ministre de la Culture n'a pas eu le temps de mettre son projet en application. Mais l'idée d'accorder un label à la presse professionnelle en ligne et de doter les sites de presse d'un statut particulier opposé aux blogs était née. Nicolas Sarkozy l'a mise en application cette année. Le tout en permettant à la vieille presse papier de bénéficier par ailleurs de substantielles aides de l'Etat, contraires à la libre concurrence, pour investir le net.

Avec la loi Hadopi, qu'il a maintenu jusqu'à mettre en péril la cohésion du groupe UMP, le chef de l'Etat a réussi à imposer à tous les foyers français l'installation d'un "logiciel de sécurisation", qui, sous la forme d'un mouchard, aura pour but de filtrer les sites internet et certains logiciels. Soit de manière franche, en bloquant l'accès à des contenus ou des protocoles. Soit de manière plus sournoise, en mettant en place un système qui met en avant les sites labellisés par l'Hadopi ou par les ministères compétents, pour mieux discréditer les autres. Les sites de presse professionnels feront bien sûr partis un jour des sites labellisés, tandis que la multitude de blogs ou de sites édités par des journalistes non professionnels verront leur crédibilité mise en doute. Pour le moment on ne sait rien du périmètre des caractéristiques imposées par l'Etat aux logiciels de sécurisation, et c'est bien là sujet d'inquiétudes. Il suffira d'étendre par décret la liste des fonctionnalités exigées pour que la censure se fasse de plus en plus large et précise, hors du contrôle du législateur ou du juge.

LOPPSI : le filtrage imposé aux FAI

Si elle prévoit la création de ce logiciel de sécurisation, et suggère fortement son installation, la loi Hadopi ne fait cependant pas de son installation une obligation. Le risque d'inconstitutionnalité serait trop fort. Il faut donc compléter le tableau, en organisant un filtrage au niveau de l'infrastructure du réseau. C'est le rôle de la loi Loppsi, chapeautée par Michèle Alliot-Marie.

Entre autres choses, la Loppsi va imposer aux FAI une obligation de filtrage de résultat. Ils auront le devoir de bloquer l'accès à des sites dont la liste sera déterminée par l'administration, sous le secret. Ce qui n'est pas sans poser d'énormes problèmes dans les quelques pays qui ont déjà mis en place cette idée. Là aussi, une fois mis le pied dans la porte, sous prétexte de lutter contre la pédophilie (une tentation du pathos contre laquelle il faut résister), il suffira d'étendre la liste des exceptions qui donnent droit au filtrage. Ici pour les maisons de disques victimes de piratage, là pour les sites de presse suspectés de diffamation, ou pour les sites de jeux d'argent qui ne payent pas leurs impôts en France. La liste n'aura de limites que l'imagination et l'audace des gouvernants.

Encore faut-il que ces idées de contrôle du net puissent se mettre en place sur le terrain, ce qui nécessite des hommes et des femmes peu regardants. C'est dans cet art que Nicolas Sarkozy excelle le plus.

Le choix des hommes, le triomphe des idées

Dès 2006, Nicolas Sarkozy a compris qu'il aura besoin de verrouiller son gouvernement et les télécoms pour mettre en place son plan de contrôle d'internet. Christine Boutin, qui avait été une farouche et convaincante opposante à la loi DADVSI fin 2005 (au point de faire basculer le vote de certains députés UMP pour la licence globale), et qui avait défendu l'idée d'un internet libre, s'est ensuite mue dans un silence confondant à la reprise des débats en mars 2006. En échange, et entre temps, elle a reçu la promesse de Nicolas Sarkozy d'entrer au gouvernement après les élections présidentielles si elle mettait sa langue dans sa poche. Les deux ont tenu parole.

Président de la République, Nicolas Sarkozy a ainsi composé son gouvernement de manière à accomplir son oeuvre sans opposition interne. Nadine Morano à la Famille, et Michèle Alliot-Marie à l'Intérieur, n'ont pas eu besoin de forcer leur nature pour prêcher la censure de certains sites Internet ou le filtrage des sites pédophiles ou terroristes. Porte-parole de l'UMP, pilotée par l'Elysée, le lobbyiste Frédéric Lefebvre ne passe plus une semaine sans se confondre en invectives contre Internet, et réclamer le filtrage. En plaçant l'ex-socialiste Eric Besson au numérique, Sarkozy pensait peut-être aussi paralyser les critiques à la fois de son propre camp et de l'opposition, tout en s'assurant le soutien d'un homme qui a troqué ses convictions pour son ambition. En le remplaçant par Nathalie Kosciusko-Morizet, plus rebelle, Sarkozy a pris un risque. Mais il fait aussi un pari. Celui que son frère Pierre Kosciusko-Morizet, président des deux plus gros lobbys français du numérique hostiles au filtrage, serait moins audible dans son opposition si sa soeur est systématiquement suspectée de collusion lorsqu'elle défend le même point de vue. Ce qui n'a pas manqué lorsque PKM a prêché, dans le vide, un moratoire sur la loi Hadopi.

Il a fallu aussi convaincre dans les télécoms. Free, à la nature frondeuse, reste le plus difficile à manipuler pour Nicolas Sarkozy. Il a toutefois trouvé une arme : la quatrième licence 3G. L'opérateur sait qu'elle va être rapidement indispensable pour continuer à concurrencer Bouygues, SFR et Orange, qui peuvent tous proposer des offres regroupant ADSL et mobile. Mais elle est dépendante de la volonté du gouvernement. Très rapidement, Christine Albanel a fait comprendre à Free qu'il devrait être obéissant pour espérer accéder à la fameuse licence. Depuis, le dossier ne cesse d'être repoussé sous des prétextes fumeux, et Free a mis de l'eau dans son vin contre Hadopi et contre le filtrage, dans l'espoir de ne pas hypothéquer ses chances d'avoir accès à la téléphonie mobile.

Pis, Nicolas Sarkozy a fait nommer numéro deux de France Telecom Stéphane Richard, le directeur de cabinet de Christine Lagarde, qui ne compte "que des amis" dans la commission qui déterminera le prix de la quatrième licence 3G. L'homme aura également pour mission de mettre en oeuvre le filtrage chez Orange, qu'il dirigera d'ici deux ans.

Le contrôle des institutions ayant leur mot à dire sur le filtrage

Enfin, Nicolas Sarkozy s'est également assuré de contrôler les institutions qui pourraient lui faire de l'ombre. La CNIL, qui s'est opposée à l'Hadopi, n'aura pas le droit de siéger au sein de la haute autorité. Les amendements le proposant ont été refusés. Elle n'a pas non plus eu le droit de publier son avis contre la loi Hadopi, et les deux députés commissaires de la CNIL, tous les deux membres de l'UMP, ont voté pour la loi. L'un des deux, Philippe Gosselin, a même été un farouche défenseur de la loi à l'Assemblée, et sans doute au sein de l'institution. Dans son dernier rapport annuel, la CNIL a dénoncé l'omerta imposée par le gouvernement, et son manque d'indépendance, notamment financière.

Plus directement, Nicolas Sarkozy a également évincé l'autorité de régulation des télécommunications (Arcep) des études sur le filtrage, auquel elle était hostile. Redoutant que l'autorité ne reste trop à l'écoute des professionnels des télécoms et des internautes, le président de la République a récemment mis à la tête de l'Arcep Jean-Ludovic Silicani, l'ancien président du Conseil de la propriété littéraire et artistique (CSPLA). Un homme notoirement favorable au filtrage et à la lutte contre le P2P. Le CSPLA, rattaché au ministère de la Culture, compte par ailleurs parmi ses membres le Professeur Sirenelli, à qui le gouvernement confie quasiment toutes les missions juridiques liées au filtrage depuis quatre ans, avec un résultat certain.

Finalement, c'est au niveau européen que Nicolas Sarkozy compte ses plus forts adversaires. Il a entamé un bras de fer avec le Parlement Européen sur l'amendement Bono, et exerce un lobbying intense sur les Etats membres pour qu'ils refusent de marquer dans le marbre le principe du respect de la neutralité du net, contraire au filtrage. Il peut compter sur le soutien de Silvio Berlusconi, propriétaire de médias, qui met en place exactement le même plan en Italie. Mais il redoute l'opposition des députés européens.

D'où l'importance des élections européennes du 7 juin prochain. De leur résultat dépendera peut-être la réussite ou l'échec du plan mis en place par Nicolas Sarkozy.

Article diffusé sous licence Creative Common by-nc-nd 2.0, écrit par Guillaume Champeau pour Numerama.com

Après la Dadvsi et Hadopi, bientôt la Loppsi 2

Un article sur Le Monde et bien construit.

Lisez, faites circuler l'information!

Bonne lecture!

jeudi 21 mai 2009

Google va chercher dans le cerveau de ses employés infidèles

High-Tech -

Des employés payés pour permettre à leur patron de prédire le jour où ils voudront démissionner. C'est le paradoxe de la dernière trouvaille de Google, qui a réalisé un algorithme qui permet à la direction des ressources humaines de prévoir le moment où ses cadres risquent de vouloir partir vers de nouvelles aventures.

Selon le Wall Street Journal, l'américain Google aurait mis au point un algorithme spécialement conçu pour son service de gestion des ressources humaines. Le but : détecter ceux de ses employés qui sont susceptibles de démissionner. Le géant des moteurs de recherche espère ainsi enrayer la fuite des cerveaux, plusieurs cadres importants de la firme ayant récemment décidé de quitter le navire.

C'est notamment les cas de Tim Armstrong, vice-président de Google, qui a pris la tête du fournisseur d'accès AOL. Ou encore de David Rosenblatt et Sukhinder Singh Cassidy, respectivement en charge de la publicité (le coeur stratégique de Google) et des secteurs Asie-Pacifique et Amérique Latine. D'autres cadres ont quitté Google pour rejoindre Facebook ou Twitter, deux sociétés où le sentiment d'être encore au début d'un édifice à construire est encore très présent, alors que Google est aujourd'hui dans une telle position dominante qu'y travailler est devenu moins excitant.

Pour réaliser cet algorithme orwélien, Google a examiné les promotions obtenues et l'historique des salaires de ses employés, a comparé les courbes avec celles de ses précédentes démissions, a passé le tout à la moulinette mathématique... et en a ressorti ceux qui parmi ses quelques 20.000 employés sont les plus susceptibles de quitter l'entreprise à court terme.

L'algorithme peut ainsi deviner quels sont les cadres qui présentent le risque de trouver leurs capacités sous-utilisées dans l'entreprise, ou (ce qui est plus rare) qui s'estiment sous-payés. Une sorte de divination du bonheur dans l'entreprise.

Fier de cette invention, le DRH de Google Laszlo Bock a expliqué au Wall Street Journal que cet outil pouvait permettre au groupe de "rentrer dans la tête des gens bien avant qu'ils ne sachent qu'ils pourraient vouloir partir". Gouverner c'est prévoir.

Article diffusé sous licence Creative Common by-nc-nd 2.0, écrit par Guillaume Champeau pour Numerama.com

vendredi 15 mai 2009

Une bien belle histoire...

Ou le cauchemar de l'auteur...

Faites bien attention à l'époque ou l'action se déroule pour bien remettre les choses dans leurs contextes.

Bonne lecture!

Une journée dans la vie d'un ingénieur système

Je suis ingénieur système, je sais je ne devrais pas m'en vanter. Lorsqu'on me demande quel est mon métier il m'arrive de plus en plus souvent de répondre « je suis dans l'informatique ». Cette vague formulation a au moins le mérite de m'éviter la lueur de haine méprisante qui apparaît instantanément dans l'oeil de l'interlocuteur le mieux disposé au simple énoncé de mes coupables occupations. Je suis lâche. La prochaine fois je répondrai tueur à gages, le relâchement des mœurs étant ce qu'il est, cela devrait moins choquer.

C'est un métier gratifiant à bien des points de vue, c'est vraisemblablement le seul où le néophyte total, celui qui vient d'ouvrir son premier carton d'ordinateur se sent en mesure de vous expliquer votre métier dans le quart d'heure qui suit le montage de sa bécane.

À ma connaissance conduire une voiture ne transforme personne en mécanicien, pas plus que raboter une porte ne fait de vous un ébéniste, mais taper sur un clavier fait de tout un chacun un informaticien. On n'arrête pas le progrès.

N'allez surtout pas croire que je veux garder pour moi les clés du savoir et en tenir éloigné le vulgum. Que je regrette le temps où les ingénieurs système détenaient le pouvoir abrités derrière leurs incantations absconses. Nenni.

Bien au contraire, étant d'un naturel assez paresseux, pour ne pas dire d'une fainéantise crasse, je préfère de très loin un utilisateur qui se débrouille sans moi. Mais je reste persuadé qu'informaticien c'est aussi un métier.

Par contre je regrette – parfois – le temps où le métier consistait à surveiller un Vax, ceux qui ont connu cela savent à quel point c'était reposant, ou alors à rebooter une station Unix tous les trente-six du mois pour justifier son existence.

Avec l'arrivée des PC et surtout de Windows nous sommes entrés de plain-pied dans ce que l'on pourrait appeler l'ère du Chapelier Fou, c'est-à-dire l'irruption de l'irrationnel dans ce qu'il a de plus poétique et de moins maîtrisable au beau milieu d'un monde jusque-là bien tenu. En vertu d'un darwinisme élémentaire il a bien fallu s'adapter. Aujourd'hui être IS dans le monde merveilleux de PetitMou, c'est être un hybride monstrueux, un mélange aussi subtil qu'indéfinissable de chaman, de Ménie Grégoire, de Dédé la Bricole, de Bobologue, de charlatan et de psychopathe.

Je ne remercierai jamais assez Bill Gates pour avoir transformé un métier relativement terne et basé sur une approche bêtement technique et rigoureuse des faits, en challenge quotidien, nécessitant une remise en question permanente à l'échelle du quart d'heure.

Quoi de plus stimulant sinon de savoir que résoudre un problème ne viendra en aucune façon enrichir ce qu'il est convenu d'appeler l'expérience, puisque le même problème nécessitera lorsqu'il se posera à nouveau une solution radicalement différente. On évite ainsi la sclérose intellectuelle consécutive aux automatismes.

Résoudre un problème nécessite une imagination à côté de laquelle le récit d'un trip sous champignons hallucinogènes pourrait passer pour le compte-rendu de l'assemblée générale des actionnaires de la Société Nouvelle des Aciéries Mouchabeuf. Le cartésianisme n'est pas un atout mais un grave handicap vous empêchant d'aborder les hypothèses les plus farfelues. Et il faut bien cela quand après avoir éliminé les causes raisonnables de dysfonctionnement vous êtes amené à envisager le reste, qui se situe généralement tout de suite entre les histoires de petit lutin et la quatrième dimension. La seule chose que je me refuse encore à pratiquer c'est l'imposition des mains et le voyage à Lourdes, plus par réaction de mécréant que par doute quant à l'efficacité des méthodes en question. Je sens qu'avec l'arrivée de Windows 98 il va me falloir opérer une révision déchirante quant à mes convictions profondes.

Quand je pense que certains recherchent les paradis artificiels, et que l'on me paye pour être en état perpétuel d'hallucination. La vie est bien injuste, allez. Tout cela serait finalement bien monotone s'il n'y avait l'utilisateur, car il existe l'utilisateur, c'est vous et moi. Victime d'une intoxication à l'échelle planétaire, d'un gigantesque et collectif lavage de cerveau il s'imagine qu'il va pouvoir tirer quelque chose de sa bécane, être productif, voire même dans les cas les plus graves envisager un retour sur investissement.

Aujourd'hui l'utilisateur perverti par des slogans pernicieux du style « Jusqu'où irez-vous » exige que ça marche, et c'est bien là où tout se gâte, le décalage entre cette légitime attente et ce que l'illuminé de Redmond est capable d'apporter me déprime. « Jusqu'où irez-vous », jusqu'à l'asile le plus proche sans doute.

Comment voulez-vous qu'un truc qui est à un système d'exploitation ce que Mireille Mathieu est à Edith Piaf, ce bricolage improbable écrit avec les pieds par une nuée de pervers schizoïdes puisse fonctionner.

Le mensonge le plus grossier colporté par les sectateurs microsoftiens est celui selon lequel un PC convenablement équipé de l'inénarrable Windows et du fourbi Office dont j'ai oublié le millésime car il change en permanence, fonctionnerait seul et sans assistance.

Le récit d'une journée ordinaire au royaume du Chapelier Fou contredit quelque peu cette idyllique vision du meilleur des mondes possibles. Ce doit être une question de numéro de version, sans doute.

Mardi 8 heures
Le calme avant la tempête, je peux l'esprit en repos me consacrer à un projet qui me tient à cœur ; émuler une calculette quatre opérations sur un Vax de la série 8000. Je tenterai l'inverse dès que j'aurai mené à bien cette partie.

Mardi 9 heures
Un premier coup de téléphone laconique, « Tu peux venir jeter un coup d'oeil, mon PC est bloqué », sous cette apparence anodine peut se dissimuler le cauchemar le plus absolu, les raisons qui peuvent amener un PC à se bloquer sont légions, la première étant d'appuyer sur le bouton marche. Je suis d'autant plus inquiet que mon client est un dingue de la vitesse. C'est un peu l'équivalent du chauffard, il parle de bus AGP là où les autres parlent de carburateur double corps, mais la démarche est la même, aller le plus vite possible en semant la terreur sur son passage. Profitant d'un instant d'égarement de son chef de service il a réussi à se faire payer le dernier Pentium à 333 Mhz, ce qui lui permet de gagner cinq secondes sur la mise en page de sa feuille de calcul.

C'est comme on le voit une avancée considérable à la mesure de l'investissement consenti. Je le trouve un peu déprimé car on annonce déjà le Pentium à 400 Mhz ou plus et il contemple avec amertume ce qu'il considère déjà comme l'équivalent d'une caisse à savon.

J'essaye de le réconforter en lui disant qu'avec la bête qu'il possède il devrait éviter d'ouvrir deux fenêtres en même temps pour ne pas faire de courants d'air. Une boutade bien innocente, c'est le côté Ménie Grégoire de la profession, mais je sens bien qu'il n'y croit pas. Les grandes douleurs sont souvent au-delà des mots.

Mais revenons à nos moutons, PC bloqué. Effectivement passé le démarrage tout ce que nous obtenons c'est un sablier désespérément figé, je suis tenté de répondre que c'est parfait pour faire des œufs à la coque mais quelque chose dans son air égaré me dit que je ferais aussi bien de me taire. C'est alors que j'envisage du coin de l'œil un CD-ROM offert par PC truc « Mesurez les performances de votre PC », eh oui ça ne sert à rien d'aller vite encore faut-il pouvoir l'exprimer en Business Graphics, WinMark 98, High End Disk WinMark 98 et autres CPUMark32, c'est requis pour humilier à l'heure du café les ploucs avec leurs Pentium 133.

Je lui demande si par le plus grand des hasards il n'aurait pas monté ce truc-là sur sa machine, je connais la réponse. Il est d'ailleurs mentionné en tout petit sur le CD que l'installation de cette suite de tests devrait être effectuée sur une machine quasi vierge et pas sur un système normalement opérationnel, « cela pouvant provoquer des dysfonctionnements ». Des « dysfonctionnements », tu l'as dit bouffi. Diagnostic ; je t'envoie quelqu'un pour te remettre un système d'équerre celui-ci étant parti en villégiature à la campagne, pour une durée indéterminée. Rendez-vous est pris pour la parution du prochain CD de tests de PC machin. Au suivant.

Mardi 10 heures
Juste le temps de constater le plantage d'un serveur NT. Quelqu'un a vraisemblablement éternué devant, c'est très sensible comme système. Bon, reset, redémarrage, la routine quoi. Deuxième coup de téléphone « Tu n'aurais pas cinq minutes des fois, il se passe parfois des choses curieuses sur ma machine ». Connaissant mon correspondant la seule chose curieuse dans tout cela c'est le parfois, il est stupéfiant que ce ne soit pas toujours. C'est qu'il s'agit de la variété dite de « l'esthète taquin », épouvanté par l'uniformité il a installé sur sa machine tous les thèmes possibles, le pointeur de souris est un calamar, le sablier une horloge Comtoise, l'économiseur d'écran qui se déclenche toutes les minutes est un jeu de baston intergalactique avec force sifflements et explosions. Car il a bien évidemment une carte son.

C'est indispensable pour reproduire le rire de Johnny Hallyday selon les Guignols de l'info, rire qui accompagne les messages d'avertissement. Tout cela est un peu perturbant. Ayant de surcroît accès à l'Internet il a récupéré et installé tous les sharewares possibles, il n'y a plus aucune pièce d'origine sur sa machine, il a tout remplacé et il est seul à pouvoir s'en servir. Il est assez surprenant qu'il ne soit obligé de rebooter sa machine qu'une fois par heure. Je suis peut-être injuste envers PetitMou.

À l'intérieur de tout grand logiciel il en existe plusieurs petits qui ne demandent qu'à sortir, là c'est la grande évasion, il suffit de coller l'oreille contre le boîtier pour les entendre se carapater. Tout ce joli monde doit se battre en permanence pour prendre le contrôle du système. C'est un cas désespéré. Je m'en sors lâchement en lui disant d'aller récupérer sur www.crap.com la dernière version de son antivirus/gestionnaire de fichiers/explorateur/compacteur/logiciel de sauvegarde/éditeur de textes/navigateur internet, et me tire vite fait sans toucher à la souris de peur de déclencher un Tchernobyl dans sa machine. Au suivant.

Mardi 11 heures
De retour dans mon bureau je constate le plantage d'un autre serveur NT, par solidarité avec le premier sans doute. L'instinct grégaire ou le début d'un mouvement de revendications. À surveiller. Autre coup de téléphone, en provenance d'une espèce bien particulière, la variété qui se shoote à la presse informatique, on ne dira jamais assez les ravages que cela peut provoquer. Stratège planétaire, il m'explique comment l'introduction de Java dans les entreprises va révolutionner la façon dont nous envisageons l'informatique. Comment Sun va bouffer Microsoft à condition qu'Oracle s'allie avec Apple et que Compaq ne vienne pas jouer les trouble-fête. Il me prédit la mort prochaine d'Intel victime de ses challengers, et écrasé sous son gigantisme. Au bout d'un moment atterré par toutes ces apocalypses à venir, je ne sais plus très bien où j'habite et c'est légèrement comateux que je raccroche en espérant ardemment que tout cela voudra bien patienter jusqu'à ma retraite.

Mardi 13 heures
Coup de téléphone angoissé en provenance d'une secrétaire, « Quand je lance mon Word avec un document que j'ai tapé hier, j'ai le message suivant : "Cette application va s'arrêter car elle a effectuée une opération non conforme" », je suis tenté de lui répondre qu'il s'agit là d'un fonctionnement normal de l'application, mais je m'abstiens. Son désarroi est sincère et la perte de plusieurs heures de travail ne porte pas à rire.

Bon en route vers de nouvelles aventures. Cette charmante personne au demeurant, appartient à la catégorie de ceux qui considèrent l'introduction de l'informatique dans leur quotidien comme une calamité. L'espèce de truc ronronnant qu'on lui a posé sur son bureau est pour elle, visiblement habité par un esprit hostile et rebelle à toute collaboration avec le genre humain. Elle a bien essayé de l'apprivoiser en le banalisant, en installant un pot de fleurs sur le boîtier et la photo de ses gosses sur l'écran, mais rien n'y fait, habité d'une vie propre il s'ingénie à lui pourrir l'existence.

Elle serait je crois soulagée, si je suspendais des gousses d'ail et des crucifix au plafond et aspergeait sa machine d'eau bénite, c'est le côté chaman de la profession.

À la vingtième tentative je réussis à charger son document sans déclencher l'infamant message de vacances pour cause de non conformité des opérations effectuées par l'application, il s'agissait d'un tableau coupé par un saut de section, quelque chose de tellement grave selon Microsoft que cela méritait un plantage radical. Peut-être qu'une destruction totale de la machine aurait été plus appropriée, je les trouve un peu laxistes ces temps-ci. Problème corrigé. Au suivant.

Mardi 15 heures
De suivant il n'y en eut point ce jour-là, je terminais ma journée tranquillement entre deux reboots de serveur NT, et mes travaux sur la reconversion d'un Vax en calculette. J'en étais à la soustraction, je ne désespérais pas d'arriver à la division à l'horizon 2005. J'aurai certainement besoin de 512 mégas de mémoire vive supplémentaire pour l'implémenter, c'est le directeur financier qui va encore râler.

C'est une certitude demain amènera son nouveau lot de victimes. Si tous ces gens savaient qu'au fond je ne maîtrise guère plus qu'eux tout cela, que le métier est de bien peu de secours quand Word ou Excel ou que sais-je se bauge lamentablement, que le temps où une entreprise vivait sur des applications maisons est définitivement révolu.

Bah je fais comme si je dominais, c'est ce qu'ils attendent de moi, c'est le côté charlatan du métier. Et puis ils ont au moins quelqu'un d'identifié à engueuler.

Quant à moi je m'endors tous les soirs en rêvant aux tortures que je ferais subir à Bill Gates s'il venait à me tomber sous la main. C'est le côté psychopathe du métier.

Une petite vidéo qui explique comment fonctionnera l'Hadopi



Voila... Tout est dans le titre!

Bon visionnage!

jeudi 7 mai 2009

L'Hadopi et sa première victime!

La Loi "Création & Internet" n'est pas votée qu'elle a déjà fait une victime!

Et pas forcément comme prévu dans le contexte de la loi.

Après le vote, hier, par les eurodéputés de l'amendement Bono, c'est un nouveau coup porté contre se projet de loi pernicieux.

Bonne lecture!

http://www.lepoint.fr/actualites-medias/2009-05-07/sanction-un-salarie-de-tf1-licencie-pour-un-email-anti-hadopi/1253/0/341132